Le saviez-vous ? Un des
facteurs qui a permis à l’homme de domestiquer le chien est la distance de
fuite.
Cette distance correspond au
rayon d’un cercle qui entoure l’animal, une sorte de frontière invisible, qui
une fois franchie, amène le sujet à s’enfuir. Cette distance de fuite est
elle-même facteur de plusieurs paramètres : la vitesse du sujet, celle de
l’intrus, la capacité du sujet à se défendre des agressions, l’environnement
géographique – plaine, forêt, savane – et sans doute bien d’autres.
Ainsi, la distance de fuite de celui-qui-n’était-pas-encore-le-chien
par rapport à l’homme était suffisamment courte pour qu’elle ait permis à ces
deux là de se côtoyer assez longtemps, jusqu’à se domestiquer. En somme, le
chien savait qu’il pouvait, s’approcher suffisamment, tout en ayant la capacité
de détaler en cas de problème. Eut-elle été plus grande, nous
n’aurions peut-être pas de chiens à nos côtés aujourd’hui.
Le phénomène s’est
sans doute étalé dans le temps, et cette proximité tranquille et prolongée a permis à cette alliance de se créer. La patience a fait son œuvre, naturellement.
Aujourd’hui, la patience n'est plus partie intégrante de notre Nature. Tout de suite et maintenant, nous exigeons de l’immédiat qu’il
satisfasse à nos besoins. Nous poursuivons, à tout crin, nous n’attendons plus.
Nous poursuivons nos rêves, le bonheur, notre route, au mépris de ces distances
de fuite, au risque d’effrayer tous ces animaux peureux qui refusent de se
laisser attraper.
Entendons nous bien :
certains d’entre nous, particulièrement rapides et au bonheur peut-être un peu
lent, réussirons à le rattraper. La plupart d’entre nous réussirons simplement
à l’effrayer.
La poursuite du bonheur est
aujourd’hui une de nos exhortations sociétales les plus virulentes. On nous
enjoint d’être heureux, on ne peut être un homme accompli si on n’est pas un
homme heureux. Au moment où la valeur d’un homme ne se définit plus par son
être, mais par ses avoirs, il nous faut littéralement posséder le bonheur.
Cette exigence ne nous offre plus
la possibilité de nous asseoir tranquillement auprès du feu, en attendant que
le bonheur, rassuré, s’approche tout doucement à pas de loup. Il nous faut
crier, courir, organiser des battues, tendre des pièges. Et souvent, nous
rentrons au mieux bredouilles. Au pire, avec un cadavre.
Le bonheur est un chien sauvage
et craintif, qui ne demande qu’à s’approcher lentement et à nous regarder
vivre. Il est en vérité attiré par nous, même s’il nous craint quelque peu. Il
lui faut un peu de temps et de distance respectée pour qu’il vienne manger dans
le creux de nos mains.
Jamais nous ne le possèderons réellement, mais pour
autant il ne nous quittera pas, si nous voulons bien, nous aussi, nous laisser
apprivoiser. Il nous faut allumer un feu, être patient, et il s’approchera. Il
ne sera plus une proie, nous ne serons plus chasseur. Nous serons simplement deux
compagnons assis devant le feu.
Un poète contemporain que j'aime beaucoup disait : "fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve"
RépondreSupprimerCher Monsieur LE Barbe,
RépondreSupprimerJ’aime le ton sur lequel se termine ce billet. Plus encore que le ton sur lequel il débute.
Les maîtres bouddhistes disent que rien ne se construit qui ait de véritable valeur que ce qui met une éternité à se construire.
Je lis deux choses dans votre propos . D’abord la vertu sans limite de la vraie patience. Ensuite, l’impérieuse nécessité de s’assoir (auprès du feu, ou pas) pour apprivoiser l’animal. Apprivoiser l’animal farouche susceptible de devenir notre ami inconditionnel. Et apprivoiser l’autre l’animal – l’autre, chacun voit bien duquel je veux parler. L’un comme l’autre sont des allégories du bonheur. Le bonheur que l’on peut bien mettre une éternité à trouver dans le moment présent.
Votre fidèle lecteur,
DG
Après un tel commentaire on ne sait plus quoi écrire...
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