lundi 28 janvier 2013

Mariage pour tous: fin de la grande traversée en solitaire?

Nous étions dimanche après-midi, et il pleuvait.
Un après midi gris comme en compte beaucoup trop le mois de janvier. Un dimanche de perdu, gaspillé à regarder les gouttes ruisseler sur les carreaux.
C’est en cet après midi que le skipper François Gabart a décidé de terminer son Vendée Globe. Il était parti le 10 novembre dernier et a depuis fait le tour du monde. En solitaire et sans escales. Avec pour objectif, les Sables-d’Olonne et son étendard vendéen à deux coeurs.

Au même moment, des milliers de personnes parcourent quelques kilomètres, dans plusieurs grandes villes de France, pour exprimer leur soutien au mariage pour tous.
L’un a choisi la solitude, pour faire son tour du monde. Les autres auront choisi de se rassembler pour faire un tour en ville.
A chacun sa cause, à chacun son voyage.
Le premier aura parcouru 24 000 milles nautiques soit 44 500 kilomètres en 78 jours ; les autres n’auront pas avancé d’un mètre depuis tout ce temps.
Si à l’aide d’une simple voile, un homme a pu à lui seul faire un si long voyage, pourquoi plusieurs personnes, qui n’hésitent pas à recourir à la vapeur, rencontrent-elles autant de difficultés à arriver à destination ? Le sarcasme n’est pas ici inutile, et permet de souligner l’immobilisme de la situation.
Quel étrange constat, quand on leur prédisait une météo pourtant clémente. Les annonces présidentielles étaient dit-on favorables, un anticyclone nord venu de Hollande s’était installé sur la France depuis le mois de mai. Un vent d’Elysée était attendu pour ce début de quinquennat, qui promettait au pays le souffle du changement.
Et pourtant hier après-midi, à travers ma fenêtre, ni rayon de soleil, ni changement. Toujours la même pluie froide, de celles qui, à chaque début de quinquennat, éteignent les rougeoyants engagements de campagne.
Cette pluie froide n'aura pas empêché plusieurs milliers de personnes de sortir et de se mouiller pour leurs opinions.
Permettre à deux personnes, qui en sont d’accord, de se marier est un projet qui rencontre des vents contraires. Certains tempêtent contre ce changement, brandissant la menace de je ne sais quel tsunami qui emporterait les fondements de notre société. Les autres réclament simplement le droit d’avoir les mêmes droits, pour eux mêmes ou pour les autres.
Je leur souhaite de rencontrer le même succès que celui de François Gabart. Qu’eux eux aussi bouclent leur tour du monde de la solitude.  Qu'eux aussi parviennent à bon port, où flottera l'étendard - vendéen ou non - de deux coeurs entrelacés.
La phrase d’Obama est désormais célèbre : "Notre voyage ne sera pas terminé tant que nos frères et soeurs homosexuels ne seront pas traités comme tout le monde par la loi".
Qu'ils achèvent leur traversée.
Fluctuat nec mergitur.

1 commentaire:

  1. Cher Monsieur LE Barbe,

    Vous abordez -- toujours avec style, bien que cette fois-ci avec une pointe de nostalgie propre aux journées d'hiver -- un sujet délicat. Vous l'abordez avec un beau détour autour du monde. Vous l'abordez -- et c'est là l'important -- de ce qui est probablement la seule manière sérieuse in fine. Vous l'abordez avec humanisme et compassion.

    En dernière analyse, en ce qui me concerne, je crois que je suis d'accord avec vous: les mêmes droits pour tous, un point c'est tout. On s'y fera. De toutes façons, maintenant, dans cinq ans ou dans dix ans tout au plus ce sera fait. Le changement aura été fait et on en sera bien content. On se trouvera même rétrograde d'avoir hésité un instant. Donc, oui: les mêmes droits pour tous les citoyens.

    Deux réflexions cependant.

    D'abord, face à ce genre de sujets sociétaux tellement complexes -- mariage pour tous et euthanasie, en particulier -- est-ce vraiment si difficile d'admettre qu'on en sait tout simplement pas toujours assez fut-ce pour avoir un avis? Franchement, je me demande bien souvent quel est le mien et s'il serait bien sérieux de ma part d'en avoir un (tranché) au vu de mon niveau de documentation sur des questions éthiques si profondes et aux implications aussi graves que multiples. Ne pas avoir d'avis. Se méfier de sa tendance à vouloir en avoir un. Est-ce une faiblesse, une marque de médiocrité intellectuelle? Ou bien est-ce un rempart contre une forme d'intolérance grave?

    D'autre part. Quand on parle du mariage pour tous, des droits de l'Enfant, des droits des femmes, de l'Homme -- et Dieu sait s'ils sont bafoués -- on parle bien des droits de nos propres congénères, au sens Sapiens Sapiens. Ce manque de cœur, cette insensibilité nous affecte au sein même de notre propre espèce.

    Que dire des autres? Si les dauphins, les ours polaires, les dodos ou les gorilles pouvaient défiler, Monsieur LE Barbe, pour quelle cause croyez-vous qu'ils le feraient? Le droit de ne pas disparaitre?

    Merci encore pour vous billets si beaux qu'intéressants.

    Votre fidèle lecteur,
    DG

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